- NOUVELLE OBJECTIVITÉ (peinture)
- NOUVELLE OBJECTIVITÉ (peinture)NOUVELLE OBJECTIVITÉ, peintureAprès la table rase dadaïste, les différentes manifestations liées à la révolution de novembre 1919 et les derniers appels à l’utopie d’un expressionnisme en voie de déclin, un mot de ralliement fait son apparition dans la peinture allemande des années 1920, celui de nouvelle objectivité (die Neue Sachlichkeit ). Le terme, mis en circulation en 1923 par G. F. Hartlaub, alors directeur de la Kunsthalle de Mannheim, cherche non seulement à regrouper des peintres en vue d’une exposition (qui eut lieu en 1925), mais à désigner une nouvelle attitude face à l’échec apparent de «la mystique d’enflure fausse et sentimentale» des expressionnistes. La perte des espoirs et des illusions concernant la réalité politique et sociale incite à la décrire froidement, «objectivement». Les peintres adoptent le parti de présenter des images dépourvues de toute idéalisation, voulant par là marquer une nette coupure avec l’allure trop subjective de l’expressionnisme. Effectuer un retour à une forme de réalisme sobre semble alors la meilleure voie pour instaurer un nouveau style.L’exposition de Mannheim en 1925 regroupait sous l’expression nouvelle objectivité des artistes qui avaient d’abord été dadaïstes ou même expressionnistes, mais dont les moyens d’expression s’étaient récemment orientés vers de nouvelles formes de réalisme. Deux courants se dessinent pourtant au sein de cette exposition. L’un, dont la peinture comporte essentiellement un regard critique à forte connotation socialiste, regroupe les «véristes» Dix, Grosz, Griebel, Schlichter, Scholz, ainsi que Davringhausen et Hubbuch. Max Beckmann, dont la peinture se situe à part, s’est trouvé jusqu’en 1925 proche de ce premier courant. Christian Schad s’y est associé plus tard. L’autre courant se rattache plutôt à la catégorie du «réalisme magique», proposé par le critique d’art Franz Roh, conseiller de Hartlaub pour la réalisation de cette exposition. Kanoldt, Mense et Schrimpf se rapprochent en effet de la Pittura Metafisica italienne, envers laquelle ils ont une dette.Les sujets abordés par les uns et par les autres témoignent également de deux attitudes face à la société. Sous couvert d’un apparent détachement, les véristes insistent avec un certain cynisme sur les contradictions en présence à Berlin. On décrit la métropole avec ses cabarets, ses spectacles, sa vie nocturne artificielle, mais aussi avec ses invalides de guerre, sa pauvreté, sa corruption. La cruauté de la vie quotidienne est au centre de leurs préoccupations. Le réalisme magique opte au contraire pour la représentation détachée, sans émotion apparente, du monde rural et petit-bourgeois. La précision du rendu, la facture lisse et l’allure statique des personnages donnent à ces images un côté hallucinant dérivé de la peinture métaphysique.L’exposition de 1925 eut une grande notoriété, car on put la voir non seulement à Mannheim, mais à Dresde et même à Dessau où venait de s’installer le Bauhaus. Elle comprenait cent vingt-quatre tableaux exécutés par trente-deux artistes provenant des divers grands centres: Berlin, Cologne, Hanovre, Dresde, Breslau, Karlsruhe et Munich. Elle apparut alors comme une manifestation traduisant une sensibilité très largement répandue. Auparavant, en effet, une tendance artistique restait souvent attachée à une seule ville, comme Der Blaue Reiter à Munich et Die Brücke à Dresde.Les peintres de la nouvelle objectivité ont laissé un témoignage saisissant de l’Allemagne des années 1920 dans une série de portraits de gens connus, qui est incontestablement leur plus grande réussite. Le Poète Max Hermann-Neisse , peint par Grosz en 1925, et Le Marchand de tableaux A. Flechtheim , exécuté par Dix en 1926, nous livrent sans indulgence des êtres difformes, voire laids. Dans le portrait de La Journaliste Sylvia von Harden , également de 1926, Dix fixe en une seule image la nouvelle allure affichée par certaines femmes: les cheveux très courts et portant monocle, elle est attablée devant un apéritif et fume des cigarettes à bout filtre. Portrait cruellement révélateur d’une forte personnalité. Un de ses triptyques, La Grande Ville , terminé en 1928, pourrait servir de tableau-manifeste pour la nouvelle objectivité. Au centre, la vie nocturne, à la fois élégante et grotesque des nantis de la République de Weimar. De chaque côté, la misère humaine et la pauvreté des mutilés de guerre. Comme Dix, Otto Griebel cherche à décrire avec précision la réalité qui l’entoure. Plus engagé sur le plan politique, il propose, dans un grand tableau de 1929 intitulé L’Internationale , sa vision de la solidarité des travailleurs. Sa peinture témoigne d’une conscience prolétarienne plus aiguë que celle des véristes.On considère à tort que ce retour délibéré à un art figuratif est la source de la peinture promue par la suite par le régime nazi. Au contraire, cette peinture porteuse d’inquiétude va sombrer à l’avènement du IIIe Reich qui lui préférera des images idylliques plus appropriées à sa propagande politique.
Encyclopédie Universelle. 2012.